Les reines de France venues d'Espagne  (XIIIe - XVIIIe siècle)

Comme la France qui a donné pendant siècles des reines à l'Angleterre, l'Espagne a fourni nombre d'infantes à la monarchie française. A. NOEL dans son livre intitulé " les reines de France nées espagnoles " dit " de toutes les femmes de nos rois, celles qui ont le plus contribué à fonder l'unité du pouvoir nécessaire à la prospérité de la nation française leur sont venues d'Espagne ..."

Constance de Castille : il faut un fils à Louis VII  (1136 - 1160)

Après l'échec de son mariage avec Aliénor d'Aquitaine qui de plus ne lui a donné que deux filles, Louis VII, doit rapidement se remarier pour avoir un héritier. Il épouse en 1154, Constance, fille d'Alphonse VII de Castille et de Léon et de Bérengère de Barcelone, sa 1e femme. Mais, à son tour, en 1158, elle donne naissance à une fille, Marguerite, qui sera aussitôt fiancée au fils aîné d'Aliénor, Henri le Jeune, qu'elle a eu après son remariage avec le roi d'Angleterre Henri II Plantagenêt. Constance meurt en 1160 en accouchant de sa 2e fille Adélaide.

Blanche de Castille : la régente  (1188 - 1252)

Ironie du sort, Aliénor d'Aquitaine par son 2e mariage avec Henri II Plantagenêt a eu une nombreuse progéniture, qu'elle a mariée à toutes les cours royales d'Europe. L'aînée de ses filles, Eléonore a épousé Alphonse VIII de Castille. A 77 ans, Aliénor se rend auprès de son gendre pour amener une épouse à l'héritier de France le futur Louis VIII. C'est l'un des termes du traité de Goulet (1200) signé entre son oncle Jean Sans Terre et le roi de France Philippe Auguste qui doit conforter la trève entre les 2 pays. C'est Blanche qui est préférée à Urraque, au prénom trop hispanique.

Blanche poussera son mari, d'un tempérament modéré à être ambitieux. En 1213, elle est à ses cotés lorsque son père accepte qu'il tente de débarquer en Angleterre pour renverser Jean Sans Terre. Blanche est la petit-fille d'Henri II, elle peut avoir des prétentions sur la couronne anglaise !. Le projet n'aboutira pas. De la même façon ils renonceront à leurs visée sur le trône de Castille pour l'un de leur fils.

En 1226, à la mort de Louis VIII elle assure la régence face aux rebelles barons menés par le duc de Bretagne soutenu par les anglais. Puis lors de la guerre des Albigeois elle réussit à imposer le mariage de son 2e fils Alphonse avec l'héritière du comté Toulouse Jeanne, préfigurant son retour dans le domaine royal.

Elle assura également la régence pendant son absence lors de la 7e croisade.

Isabelle d'Aragon : gage de paix  (1247 - 1271)

A la suite de la croisade contre les Cathares le roi de France Louis IX s'intéresse un peu plus à ces terres au sud de la Loire. En 1258, il signe le traité de Corbes avec le roi Jacques Ier d'Aragon,. Il lui cède le Roussillon et le comté de Barcelone et Jacques Ier renonce à toute prétention sur le Languedoc et la Provence. Cet accord prévoit également le mariage d'Isabelle d'Aragon avec le prince héritier Louis. Mais Louis meurt et il est décidé qu'elle devienne l'épouse du nouvel héritier, Philippe III le Hardi. En attendant de devenir reine elle lui donne des enfants dont le futur Philippe IV dit le Bel, et Charles titré de Valois qui verra, au travers de son fils, sa dynastie succéder à celle des Capétiens directs.

Elle est aux cotés de son mari lorsqu'il part en croisade avec Louis IX vers Tunis, où il trouvera la mort. Enceinte elle mourra lors du retour calamiteux à travers l'Italie.

Jeanne de Navarre: la dernière reine capétienne  (1273 - 1305)

Henri Ier, roi de Navarre et comte de Champagne avait épousé Blanche d'Artois, fille du prince Robert, frère de saint-Louis. Lorsqu'il perd son fils héritier, il décide de faire reconnaître sa fille, Blanche comme héritière malgré l'opposition de ses Etats. A sa mort le roi recommande à sa femme, qui devient régente, de ne point marier Jeanne à la Castille ou l'Aragon, mais de se tourner vers la France. La noblesse navarraise veut empécher cela et la régente et sa fille sont obligées de fuir et de se réfugier auprès de Philipe III, qui les accueille bien favorablement, s'occupe de l'éducation de Jeanne et la marie à son fils héritier le futur Philippe IV le Bel. Elle apporte en dot le titre de Navarre et surtout fait entrer la Champagne et la Brie dans la mouvance royale.

Si elle ne s'occupe pas des affirmes du royaume, elle gère cependant elle même ses états de Navarre et de Champagne. Fine lettrée, elle fonde à Paris, le collège de Navarre qui accueille tout étudiant sans condition de naissance.

Elle est la mère des 3 derniers rois de France capétiens sans descendance. Sa fille Isabelle mariée à Edouard II d'Angleterre donnera naissance à Edouard III qui réclamera la couronne française au nom de son grand-père Philippe Le Bel ce qui déclenchera la Guerre de cent Ans.

Blanche de Navarre ou Blanche d'Evreux : "la belle sagesse"  (1333 - 1398)

Arrière petite fille de Jeanne de Navarre, elle est la fille de Philippe III de Navarre et de Jeanne II de France, fille unique de Louis X le Hutin. Philippe VI de Valois cherche une nouvelle épouse pour son fils Jean devenu veuf de Bonne de Luxembourg. Il souhaite une jeune femme accomplie et se tourne vers la Navarre. La régente rompt les négociations avec la Castille et envoie sa fille Blanche à la cour de France. Elle y arrive au moment ou Philippe VI devient veuf. Subjugué par la princesse, il l'épouse en lieu et place de son fils. Il a 58 ans, elle 18.

Parmi les princesses espagnoles qui oeuvrèrent pour la maintien de la nation française, il ne faut pas oublier Yolande d'Aragon, belle-mère de Charles VII qu'elle a soutenu tout au long de son enfance puis de son règne.

C'est à partir de François Ier et la mainmise des Habsbourg d'Autriche sur l'Espagne que les mariages vont se multiplier cherchant à desserrer l'étau qu'ils représentent pour notre pays. Les princesses françaises partiront au delà des Pyrénées, quelques espagnoles vont venir à la cour de France. Cette lutte se terminera par la montée des Bourbons sur le trône espagnol en la personne de Philippe d'Anjou, petit-fils de Louis XIV.

Les infantes d'Espagne garderont leur patronyme d'éutriche, berceau de leurs origines.

Eléonore d'Autriche : l'atout de Charles Quint  (1498 - 1558)

Infante aux grands-parents glorieux : Maximilien de Habsbourg et Marie de Bourgogne du coté de son père, Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon par sa mère, elle va servir la politique de son frère, le puissant Charles Quint.

Il réprime son penchant pour le prince palatin Frédéric, fils cadet de l'électeur de Bavière puis refuse les demandes du duc de Lorraine et du roi de Danemark. Finalement il décide de lui faire épouser le fils héritier de Manuel Ier, roi de Portugal. Mais devenu veuf c'est lui  qu'elle doit épouser. Bossu et infirme il a déjà épuisé 2 autres princesses espagnoles (des tantes d'Eléonore). Elle s'occupera des enfants du 1er mariage : Isabelle qui va épouser son frère Charles, et le futur Jean III qui épousera sa jeune soeur Catherine.

Veuve au bout de 3 ans elle revient en Espagne pour trouver les fils de François Ier en captivité après la défaite de Pavie. Elle s'efforcera d'adoucir leur sort. Sa tante, Marguerite d'Autriche, négocie avec Louise de Savoie, pour aboutir à la Paix des Dames et au traité de Madrid qui voit le retour des jeunes princes en France, et, cerise sur le gâteau, son mariage avec François Ier.

Elle sera vite délaissée : François Ier a déjà des héritiers, nul besoin d'en avoir d'un 2e lit d'origine espagnole, ce qui créerait des complications au moment de la succession. Aussi ne manque-t-il pas d'afficher devant elle ses maîtresses. Elle regagnera l'Espagne à la mort de François Ier accompagnant son frère Charles dans sa retraite.

Anne d'Autriche : la dernière régente  (1601 - 1666)

Henri IV cherchait des alliances matrimoniales lui permettant d'engager des relations avec des régions qu'il convoitait telle que la Lorraine et la Savoie. Mais son assassinat décide autrement du sort de ses enfants. Marie de Médicis et son conseil penchent pour la "solution espagnole" . La France et l'Espagne sont à l'époque les 2 pays les plus prestigieux, en guerre l'un contre l'autre. Les mariages permettent d'empécher de chercher des alliances ailleurs et il est toujours bon d'avoir quelqu'un auprès de son "ennemi". Philippe III d'Espagne fait miroiter un mariage croisé : le futur Louis XIII épousera Anne d'Autriche tandis que sa soeur Elisabeth épousera le futur Philipe IV, frère d'Anne. Les mariages auront lieu en 1615.

Anne débuta mal à la cour, favorisant les cabales contre Richelieu, se compromettant avec le duc de Buckingham et fut soupçonnée de trahison pour continuer à correspondre avec son frère. Enfin, ce n'est qu'au bout de 23 ans de mariage, qu'elle donne naissance, en 1638, à un garçon Louis et 2 ans plus tard à son frère Philippe.

Elle montrera toute sa valeur après la mort de Louis XIII (1643), où assistée du préçieux Mazarin elle assurera la régence de son fils. Elle saura faire face à la Fronde des Princes par deux fois.

Marie-Thérèse d'Autriche : un époux volage, une famille décimée  (1638 - 1683)

En 1658, une grave maladie de Louis, pousse Anne à précipiter son mariage. Elle n'envisage pas d'autre épouse que sa nièce Marie-Thérèse. La consanguinité ne gêne personne !. Mais qui dit mariage dit traité et Philippe IV se fait tirer l'oreille. Mazarin le provoque en demandant la main de Marguerite de Savoie pour Louis. La ruse fonctionne, le mariage est décidé. Le traité des Pyrénées est signé le 7 novembre 1659, l'union célèbrée en 1660.

Très pieuse, elle donnera naissance à 6 enfants. Elle verra 3 d'entre eux mourir.

Ce fut en son nom que Louis lança la guerre dite de Dévolution en faisant envahir la Flandre par Turenne et la Franche-Comté par Condé. Il invoquait un droit en usage en Flandre qui voulait que les biens apportés en mariage par l'un des époux échoient aux enfants nés du 1er mariage. Marie-Thérèse était issue du 1er mariage de Philippe IV alors que le nouveau roi d'Espagne Charles II était né du second. La coalition Angleterre, Suède et Hollande l'obligea à signer la paix d'Aix La Chapelle. Il rendit le Franche-Comté mais garda Lille.

Marie-Anne Victoire une future reine éphémère  (1718 - 1781)

En 1721, l'Angleterre, la France et l'Espagne se réconcilient par le traité de Madrid. De nouvelles alliances doivent sceller ces accords :

  • Philippe V, roi d'Espagne propose sa fille Marie-Anne Victoire pour le futur Louis XV. Elle n'a que 3 ans lorsqu'elle arrive à la cour de France.
  • Il accepte que son fils épouse l'une des filles du Régent, Mlle de Montpensier.

Mais, après la mort du Régent, la trop grande jeunesse de l'infante espagnole empêche la consommation du mariage avec Louis XV. Si Louis mourait avant d'avoir pu avoir des enfants, son successeur serait Louis d'Orléans, fils du Régent. Voulant éviter à tout prix cette éventualité, le duc de Bourbon, qui détestait la maison d'Orléans, renvoya la toute jeune princesse à sa famille. Louis finit par épouser Marie Leszczynska.

Marie-Anne Victoire épousera Joseph Ier, roi de Portugal et se révèlera une femme de caractère en assurant le régence du royaume lorsque son époux sera trop affaibli.