LES REINES d’ANGLETERRE VENUES DE FRANCE  (Xe-XVIIIe siècle)

Si les reines de France sont d’origine étrangère (voir « les reines de France venues d’Espagne ») à l’opposé la France a donné de nombreuses reines à l’Angleterre jusqu’au 18e siècle, qu’elles soient filles de rois ou de grands vassaux.

Ces mariages ont, la plupart du temps, servi à sceller des traités entre les deux pays qui se feront la guerre dès la conquête anglaise par Guillaume le Conquérant.

EMMA de Normandie

deux fois reine et mère de deux rois (975 - 1052)

MATHILDE de Flandre

première reine normande (1031 - 1083)

Elle est la fille de Baudouin V comte de Flandre et d’Adèle de France et ainsi petite-fille du roi de France Robert le Pieux. Guillaume le Conquérant, duc de Normandie cherche à assoir son pouvoir et se tourne vers le comte de Flandre son voisin qui peut lui apporter son soutien face à l’Angleterre pour le commerce et face à la France pour sa proximité géographique. Baudouin accepte de lui donner Mathilde en mariage.

Etant cousine de Guillaume au 5e degré, ils encourent l'excommunication pour consanguinité. L'évêque Lanfranc, conseiller de Guillaume, obtient le pardon du pape s’ils acceptent de construire à Caen deux abbayes. C'est l'origine de l'abbaye aux Hommes et de l'abbaye aux Dames.

Mathilde assumera la régence du duché pendant la conquête anglaise de Guillaume. En 1068 elle sera couronnée reine d’Angleterre. Deux de ses fils seront rois à leur tour. On lui attribue peut être à tort la réalisation de la tapisserie de Bayeux contant la conquête anglaise.

MATHILDE de Boulogne face à Mathilde « l’emperesse »

 une lutte pour le trône anglais  (1103 - 1152)

Fille et héritière d’Eustache III comte de de Boulogne ; petite-fille du roi d’Ecosse Malcom III par sa mère, et nièce de Mathilde d’Ecosse épouse du roi anglais Henri Ier. Après la mort de son fils, le roi d’Angleterre Henri Ier fait venir auprès de lui son neveu Etienne de Blois et le marie à sa nièce par alliance Mathilde en 1125. Par ce mariage elle lui apporte des biens importants. Elle régnera sur le comté de Boulogne de 1125 à 1147 et sur un important domaine anglais autour de l’Essex. Puis elle deviendra duchesse de Normandie et bientôt reine d’Angleterre.

Lorsque la fille d’Henri Ier, une autre Mathilde dite « l’emperesse » mariée à l’empereur Henri V devint veuve son père la fit reconnaître comme son successeur et la marie à Geoffroy Plantagenêt en 1128. Mais, à sa mort, Etienne s’empressa de se faire couronner. Ce sera la période dite « anarchique » où partisans des 2 clans s’opposeront.

Mathilde sait gérer un domaine et par le comté de Boulogne elle dispose d’une flotte importante. Elle s'implique fortement dans la gestion du royaume auprès d’Etienne. C'est par son entremise que Guillaume d'Ypres et ses mercenaires flamands entrent au service de son mari. De même, au nom de son mari, elle mènera les négociations avec son oncle le roi d’Ecosse David Ier pour calmer les envies d’extension des écossais à la frontière entre les deux pays.

Elle arrange une alliance en mariant son fils Eustache à Constance, fille de Louis VI. Lorsque son mari est capturé elle arrive à le faire libérer. Elle obtient du pape la permission de faire couronner son fils du vivant de son père. Toutefois la mort de ce dernier dans le naufrage de la Blanche Nef mettra fin au conflit entre Etienne et Mathilde l’emperesse, Etienne reconnaissant le fils de Mathilde comme son successeur, le futur Henri II.

ALIENOR d’Aquitaine

deux fois reine (1122 - 1804)

MARGUERITE de France

reine d’Angleterre sans avoir régné, avec pour dot le Vexin. (1158 - 1197)

Fille de Louis VII et de Constance de Castille, elle est fiancée au fils aîné d’Henri II et d’Aliénor : Henri le Jeune (il a 5 ans, elle en a 3). Elle apporte en dot le Vexin.

Louis VII n’ayant pas d’héritier à ce moment-là, Henri fonde des espoirs sur l’héritage de sa belle-fille et des revendications sur le trône de France si Louis VII vient à mourir. Mais lorsque ce dernier se remarie une 3e fois Aliénor et Henri II s’empressent de marier les jeunes gens pour ne pas avoir à rendre la dot. En 1160, après dispense du pape Alexandre III, le mariage a lieu et Marguerite sera couronnée reine en 1172 à la demande expresse de son père. Henri le Jeune réclamera en vain à son père de pouvoir régner et de gérer ses biens sans succès. Ils n’auront qu’un seul enfant Guillaume mort-né.

A la mort de son mari, elle retourne en France. Henri II refuse de rendre le Vexin, en échange il promet de marier son fils Richard avec Adélaïde sœur de Marguerite. Le Vexin restera un sujet d’affrontement entre les deux pays par la suite.

Le roi de Hongrie, Béla III, désireux d’avoir la France pour allier cherche une épouse française de sang royal. Philippe Auguste s’empresse de lui donner la main de sa sœur Marguerite. Elle suivra son mari en terre sainte où ils mourront tous les deux.

ISABELLE d’Angoulême

dite Taillefer celle qui relance les hostilités ( ? - 1246)

ALIENOR de Provence 

la reine impopulaire (1223 - 1291)

Elle est la fille de Raymond Béranger V, comte de Provence, et de Béatrice de Savoie. Elle est la sœur de Marguerite de Provence qui a épousé Louis IX, futur Saint-Louis. C’est sa mère et son frère Amédée de Savoie qui sont les artisans de son mariage avec Henri III roi d’Angleterre, fils de Jean Sans Terre.

Henri III, pour plaire à sa femme, et aux savoyards et provençaux qui l'ont accompagnés les inonde de faveurs : ainsi Pierre de Savoie, son oncle, acquiert à Londres d’importants domaines dont le « Savoy Palace » tandis que Boniface de Savoie, devient archevêque de Canterbury et primat du royaume. Tout ceci déplaît aux Anglais, qui reprochent aussi à la reine ses dépenses, ses toilettes, et la façon arbitraire avec laquelle elle exerce ses fonctions de régente pendant l’absence d’Henri quand il part pour la Normandie en 1253.

Bien vite elle devient impopulaire tant auprès de la cour que du peuple. Son impopularité grandit lorsque sa sœur Sancie fut mariée à Richard de Cornouailles, frère d’Henri et que le trésor royal fut utilisé pour essayer de le faire élire empereur du Saint-Empire. A sa mort elle laissa bien des dettes à son fils Edouard Ier.

MARGUERITE de France

la perle de la France » (1279 - 1318)

Elle est la fille de Philippe III et de Marie de Brabant et la demi-sœur de Philippe IV le Bel. En 1299, Philippe IV profite de ce qu’Edouard est occupé en Ecosse pour lui reprendre l’Aquitaine. Le pape les oblige à signer le traité de Montreuil-sur-Mer. Par ce traité l’Angleterre récupère la Guyenne mais Philippe garde Bordeaux et 2 mariages sont prévus pour sceller cet accord : Edouard Ier, veuf d’Eléonore de Castille, doit épouser Marguerite et Isabelle, fille de Philippe IV sera mariée au fils d’Edouard Ier, le futur Edouard II.

Elle a alors 16 ans et lui 60 ans et neuf enfants dont elle sera proche. Elle donnera à Edouard 3 enfants. Veuve à 28 ans elle finira sa vie en Angleterre.

ISABELLE de France,

« la Louve de France » (1295 - 1358)

ISABELLE de Valois

une courte vie de malheurs  (1389 - 1409)

C’est une des filles de Charles VI et d’Isabeau de Bavière. En 1394, Richard II, veuf d’Anne de Bohême, songe à se remarier avec une princesse française pour resserrer les liens entre les 2 pays. Il l’épouse en 1396 (elle a 7 ans et lui 29 ans). Louis Ier d’Orléans et Thomas de Gloucester oncles respectifs des 2 époux ne sont pas favorables à cette union. Elle est couronnée en 1397. En mai 1399 Richard part pour l’Irlande. Elle ne le reverra jamais car, Henri de Bolingbroke, cousin de Richard, banni et privé de son héritage revient en Angleterre. Soutenu par la noblesse auprès de qui Richard s’est rendu impopulaire, il le capture puis l’oblige à abdiquer.

Henri devient le roi Henri IV. Il fonde la maison de Lancastre. Rapidement il envoie une ambassade auprès de Charles VIpour obtenir son accord pour le remariage d'Isabelle avec son fils aîné et héritier Henri. Mais le roi de France refuse de le reconnaître comme roi d'Angleterre. Ce sont les prémices de la guerre des deux roses.

Après la mort de Richard (peut-être assassiné) en février 1400, Charles VI demande le retour de sa fille et de sa dot. Finalement Henri accepte en 1401 (sauf pour la dot au motif que la rançon demandée pour libérer le roi Jean II n’a pas été entièrement réglée).

Dès son retour, sa mère cherche à la remarier. Jean-Marie Visconti, duc de Milan, envisage de l’épouser pour apaiser les tensions survenues entre Milan et la France sous le règne de son père. Projet qu’il abandonne. Elle épouse Charles d’Orléans, fils de Louis Ier qui était hostile au mariage anglais. Peu après son beau-père est assassiné sur l’ordre d’un autre cousin Charles le Téméraire, précipitant la France dans une guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons. Guerre qu’elle ne verra pas car elle mourra en mettant son 1er enfant au monde.

JEANNE de Navarre

accusée de sorcellerie  (1370 - 1437)

CATHERINE de Valois

reine Lancastre mais l’aïeule de la dynastie Tudor ;(1401 - 1437)

MARGUERITE d’Anjou

« la reine militaire » (1430 – 1482)

Fille de René Ier d’Anjou et d’Isabelle de Lorraine et cousine, par son père, du roi Louis XI. Son mariage avec le roi Henri VI va servir à sceller la paix entre l’Angleterre et la France. Louis XI acceptera le mariage à condition qu'il n'ait pas à payer de dot et qu'il reçoive en échange le Maine et l'Anjou alors sous domination anglaise. Ce qui sera ratifié par le traité de Tours en 1444. Toutefois la cession du Maine et de l’Anjou restera un moment secrète.

Henri connaît des accès de démence qu’il a peut-être héritée de son grand-père maternel Charles VI. C’est Marguerite qui prend les affaires du royaume en main. Mais, Richard d’York, un des cousins d’Henri, cherche à se faire nommer lord protecteur. Une lutte s’engage entre les 2 clans Lancastre et York. Cette fois la guerre des 2 Roses est totalement engagée et elle y prend largement part. Son mari et son fils mourront. Quant à elle, elle sera emprisonnée. Son père n’ayant pas les moyens de payer sa rançon, Louis XI accepte de le faire à condition que René lui cède ses droits sur le duché d’Anjou !

HENRIETTE MARIE de France

la dernière reine anglaise venue de France (1609 - 1669)

Elle est la plus jeune de filles d’Henri IV et de Catherine de Médicis et a reçu une forte éducation religieuse. Après le mariage de ses deux sœurs avec le roi d’Espagne et le duc de Savoie, Louis XIII songe à se rapprocher de l’Angleterre et propose à Jacques Ier sa sœur Henriette pour le futur Charles Ier. Mais l’Angleterre penche pour l’Espagne. Charles et Buckingham le favori de Jacques Ier se rendent incognito à Madrid. Mais les espagnols ne sont pas favorables à un mariage avec un protestant et Charles ne trouve pas la jeune fille jolie ! Jacques Ier accepte finalement l’offre française. Louis XIII y met une condition: que le pape Urbain VIII accorde une dispense pour épouser un roi protestant ; ce qu’il finira par faire à contrecœur. Jacques Ier signe un contrat de 27 articles qui stipule qu’Henriette pourra célébrer son culte, avoir des domestiques et une cour catholiques. Il signe même un accord secret qui prévoit que les catholiques anglais ne seraient pas inquiétés pour leur religion.

Bien vite des dissensions apparurent dans leur couple envenimé par les querelles entre français et anglais, par sa façon ostentatoire de pratiquer son culte et par Buckingham. Elle refuse de se faire couronner selon le rite anglican. Charles finit par renvoyer toute la cour française dans une résidence surveillée. Le maréchal de Bassompierre fut envoyé pour réconcilier le roi et la reine. Réconciliés et débarrassés de Buckingham qui a été assassiné, elle donna au roi 9 enfants. Mais cela s’aggrava à nouveau avec l’arrivée de Marie de Médicis, sa mère, chassée de France par Louis XIII et qui s’incrusta plus de cinq ans à Londres. Pendant ce temps les puritains menaient une campagne antiroyaliste.

La guerre civile anglaise éclate. Elle prétexte devoir accompagner sa fille Marie pour être mariée au prince d’Orange Guillaume de Nassau pour partir pensant pouvoir obtenir des fonds pour aider son mari. Elle mènera une expédition qui débarquera en Angleterre où elle retrouvera le roi. Mais les troupes de Cromwell finirent par l’emporter. Elle fuit en France juste après avoir mis au monde une fille Henriette-Anne. Charles Ier finira décapité. Elle retrouvera ses enfants auprès d’elle. Ses 2 fils les futurs Charles II et Jacques qui ont pu s’échapper reviendront régner en Angleterre. Mais le catholicisme de Jacques provoquera la « glorieuse révolution ».

Elle espéra marier sa dernière fille à son cousin Louis XIV, mais celui-ci épousa une autre cousine l’infante Marie-Thérèse. Elle se rabattra sur Philippe d’Orléans, frère du roi.